Zone vulnérable / La proposition d’extension de la zone vulnérable du Graylois n’est pas seulement dénoncée par les représentants des agriculteurs : au sein même de l’Administration, on conteste la nouvelle carte que les analyses publiées ne permettent pas toujours d’expliquer.
C’est ce que certains dénoncent comme de l’écologie punitive. Le monde agricole a beau mettre en place toutes les actions requises dans les zones où les mesures de nitrates dépassent les taux réglementaires, il faut toujours faire plus. Dans certains cas, des améliorations sont constatées, mais il faut pourtant aller plus loin. Le cas de l’extension de la zone vulnérable en Haute-Saône est tellement criant d’absurdité, que l’administration locale (DDT) aurait, lors d’une réunion avec les représentants des agriculteurs le 27 juin, appuyé leurs récriminations et argumenté eux, contre la Dreal.
Les données utilisées par les services de la Dreal pour classer les zones sont disponibles librement sur internet1. Chacun peut donc se faire une idée de l’évolution des taux de nitrates ; et chacun peut également, en tenant compte des critères définis par décret pour la classification des zones vulnérables (voir encart), juger du bien-fondé de la nouvelle classification.
Eaux superficielles : un flirt avec le 18 mg français
Pour les eaux superficielles, trois grandes zones sont proposées à l’ajout. Au nord-est du département, sont concernées les communes autour de l’Ougeotte, d’Ouge à Aboncourt, de Combeaufontaine à Jussey. En cause : 8 mesures réalisées en 2014 et 2015, pour une moyenne de 11 mg/L, avec 2 mesures au-dessus de 18 mg/L (24,9 et 28,1). Au sud du département, 2 zones sont considérées polluées : une autour de Rioz, une autre le long de la Linotte. Commençons par Rioz. En cause : 12 analyses effectuées sur le « Ruisseau des vieilles Granges à Sorans les Breurey ». Passons sur le fait que le ruisseau des Vieilles Granges ne coule pas à Sorans mais à Neuvelle-lès-Cromary, et poursuivons. Moyenne des analyses : 16 mg/L. Au-dessus de 18 mg : 4 analyses, entre 18,4 et 23,6 mg/L toutes effectuées avant la mise en service de la station d’épuration de Neuvelle… Le percentile 90 (P90) est autour de 20 mg/L.
Reste la zone de la Linotte, qui inclut les communes de Hyet à Fallon en passant par Vallerois-le-Bois. Douze mesures ont également été effectuées entre 2014 et 2015 à Loulans-Verchamp, pour une moyenne de 10 mg/L, et un P90 à 13 mg/L environ. La seule mesure qui dépasse la norme est à… 18,1 mg/L, le 6 novembre 2014. Les services de la DDT de Haute-Saône auraient demandé à leurs collègues de la Dreal de revoir les cartes, et notamment la zone de la Linotte, clairement « vertueuse » en regard des normes applicables (P90 < 18). Ils auraient même mis en doute les analyses du 6 novembre 2014 survenues après une forte période de pluies…
Eaux profondes : punir les bons élèves
Pour les eaux profondes, l’analyse est plus difficile car la réglementation permet de considérer comme « à risque » les « masses d’eau » polluées : en surface, c’est un bassin versant ; en profondeur, c’est plus compliqué. Le fonctionnement hydrogéologique des masses d’eau est plus complexe et nécessite de connaître et de comprendre les cartes géologiques. Mais sans rentrer dans ces détails techniques, les résultats d’analyse parlent d’eux-mêmes : toutes les mesures effectuées en dehors de l’actuelle zone vulnérable sont inférieures à 40 mg/L. Seules exceptions : Chaux-lès-Port, mais une seule analyse a été effectuée (48 mg/L le 19 mars 2014) et Fleurey-lès-Favernay (2 analyses seulement, 12 et 40 mg/L). Sur tout le reste de la zone proposée à la classification, les analyses des eaux souterraines sont bonnes voir excellentes (Bougey, Augicourt, Bauley, Senoncourt, Conflans <5 mg/L, Bouligney, Magnoncourt <10 mg/L). Sur la vaste zone sud également proposée au classement, les résultats des analyses sont aussi excellents : Rioz, Sorans, Cirey, Boult, Ruhans, Authoison, Chassey, Esprels < 5 mg/L… Le classement, ce serait la punition des bons élèves.
Et l’agroécologie ?
Les conséquences de ces classements, s’ils devaient être validés, seraient catastrophiques pour l’agriculture du département. À court terme, ils causeraient l’incompréhension des agriculteurs : des zones « toujours propres » sont classées, des zones « redevenues propres » dans le Graylois ne sont pas déclassées… À moyen terme, ce serait la mort de centaines d’élevages du département, qui ne supporteraient pas les milliers d’euros nécessaires à l’augmentation des capacités de stockage. Agroécologie ou directive nitrates : il va falloir choisir. Attention M. Le Foll : les Anglais ont déjà choisi par référendum… Pendant ce temps en France, Ubu règne en roi à la Dreal, et même la DDT s’en est aperçu.
LD
1Sur sierm.eaurmc.fr pour les eaux superficielles, ades.eaufrance.fr pour les eaux souterraines.
3 Voir les cartes simplifiées des prélèvements récents :
Eaux souterraines : www.tinyurl.com/eau-sout
Eaux superficielles : www.tinyurl.com/eau-sup