Fertilisation des prairies/ Une meilleure prise en compte des besoins des plantes fourragères en phosphore et en potassium est possible grâce à la technique des indices de nutrition basée sur l’analyse de la plante et non plus du sol.
Si les restitutions au pâturage compensent majoritairement les exportations de phosphore et de potassium par le bétail dans le cas d’une prairie permanente exclusivement pâturée, on s’écarte beaucoup de cette situation dans les prairies de fauche. De plus, les réserves du sol, leur biodisponibilité et les rendements prairiaux sont d’autres facteurs de variation importants qu’il est délicat d’estimer, au-delà des besoins moyens selon le mode d’exploitation.
La méthode des indices de nutrition a été testée depuis une vingtaine d’années en France sur un nombre important de prairies. Elle peut être appliquée quel que soit le mode d’exploitation (fauche ou pâture), sur des prairies installées depuis plus de deux ans, afin que le système racinaire soit correctement implanté. La méthode a également été testée sur des prairies de composition botanique complexe. Cependant, elle n’est pas utilisable dans les associations de graminées et de trèfle blanc, lorsque la proportion de trèfle dépasse 25 %, à moins d’enlever ce dernier de l’échantillon à analyser.
L’analyse d’herbe au printemps permet de diagnostiquer l’état de nutrition de la prairie en phosphore et potassium. Plus pertinente que l’analyse de sol, elle prend compte de la disponibilité de ces éléments dans le sol et l’aptitude de la plante à aller les prélever. L’essentiel des éléments minéraux P et K se trouve dans les cinq premiers centimètres du sol ce qui rend donc l’échantillonnage de terre difficile. Une analyse de sol peut donc indiquer une prairie pauvre en P et K alors qu’en réalité la disponibilité de ces éléments est satisfaisante.
Prélever en phase de pousse
Concrètement, les prélèvements ont lieu en pleine pousse de l’herbe lorsque la production se situe entre 2 et 5 tonnes de matière sèche/ha (mai-juin). Il faut aussi éviter les périodes trop chaudes ou de fort ralentissement de croissance (sécheresse, coup de froid). Ces échantillons peuvent être prélevés au premier ou au deuxième cycle, mais avant la floraison. En routine, une analyse tous les cinq ans est suffisante pour optimiser la conduite de la parcelle. Si des changements de fertilisation sont effectués, une analyse tous les trois ans permettra de suivre correctement l’évolution des teneurs en phosphore et en potassium.
Deux types de diagnostic
Deux types de diagnostics existent en fonction des objectifs de l’éleveur : le premier plus léger en temps et en coût permet un état des lieux et un jugement des pratiques actuelles. Il suffit de prélever 15 à 20 poignées d’herbe sur l’ensemble de la parcelle et de constituer un échantillon représentatif pour analyse par un laboratoire (lire encadré pour les détails). La méthode ayant été validée pour les prairies à base de graminées, il faut donc avoir une parcelle avec une flore composée quasi uniquement de graminées sinon, au-delà de 25 % de légumineuses, il faut les retirer de l’échantillon, ainsi que les dicotylédones (parcelles dégradées). En tenant compte des pratiques de fertilisation, de l’exploitant, de la parcelle, et des objectifs de production, il est conseillé de maintenir les apports pour des indices compris entre 80 et 100, de les réduire pour des indices supérieurs à 100 et de les augmenter pour des indices inférieurs à 80.
Le second diagnostic, un peu plus lourd en temps, se justifie pour des parcelles nouvellement acquises ou lorsqu’il est envisagé un changement de mode de conduite. Cette formule permet de mettre en évidence l’état des réserves du sol et sa capacité à répondre à une demande supplémentaire de production. Il est alors nécessaire de délimiter une bande dans la parcelle qui recevra 100 unités d’azote supplémentaires.
Deux échantillons seront alors prélevés pour analyse – un dans la bande surfertilisée, le second sur le reste de la parcelle. Les préconisations se basent sur la comparaison des indices dans chacune des zones.
Cette méthode simple à mettre en œuvre peut permettre de faire de réelles économies. Ainsi appliquée sur la Ferme expérimentale Professionnelle Lorraine de St-Hilaire, elle a permis une économie de plus de 3 600 € par an : grâce à une bonne gestion des fumiers, il n’y a plus ni apport de P2O5 ni de K2O, sous forme minérale depuis plusieurs années et ce sans aucune dégradation des indices.
AC, d’après les données GNIS