Herbicides / La coopérative Interval organisait mardi 2 juin une visite de sa plate-forme d’essais au Pont-de-Planches (70), consacrée aux stratégies de désherbage anti-graminées. Christophe Délye, chercheur à l’Inra de Dijon, y décryptait la gestion des résistances aux herbicides.
Faute de volonté politique, la recherche publique s’investit peu dans l’étude des résistances aux herbicides. Un « choix regrettable », note Philippe Koehl responsable technique d’Interval, tant les enjeux sont importants au niveau de l’impact économique comme dans la quête de la connaissance pure en génétique des populations. Christophe Délye est l’unique chercheur de l’Inra en charge de ce dossier, ce qui lui donne une certaine liberté de parole qu’il manie avec humour. Il a ainsi présenté aux adhérents d’Interval mardi 2 juin un « manuel pour maximiser l’apparition des résistances aux herbicides ».
Connaître les groupes HRAC
La plante n’a pas de libre-arbitre. Elle ne choisit pas de devenir ou pas résistante à un produit. Aléatoirement, des individus développent des capacités de résistance, et c’est la pression de sélection qu’on leur impose qui leur donne un avantage sélectif et permet leur dissémination. Pour comprendre les résistances aux herbicides (mais le principe est le même pour les insecticides), il faut se familiariser avec « les groupes HRAC » : une classification des matières actives par leur mode d’action. Les plus connues sont par exemple celles du groupe A (inhibition de la synthèse des lipides ou ACCase) type FOPs et DIMs, et celles du groupe B (inhibition de l’ALS). « On devrait écrire en gros sur les bidons la classification HRAC », souhaite Christophe Délye.
Le chimique en dernier recours, mais efficacement
« Appliquer un herbicide, c’est de toute façon sélectionner des résistances », prévient d’emblée le chercheur. Tout le travail du bon agronome consiste donc à retarder autant que possible l’apparition des résistances. « Car tout herbicide perdu pour cause de résistance est perdu pour de bon. L’ordre de grandeur pour un retour à la sensibilité, s’il arrive un jour, est de plusieurs dizaines d’années. » Il convient donc d’employer d’abord les techniques alternatives à la chimie, rotations, faux-semis, semis décalés, lutte mécanique… Mais une fois la décision prise de faire appel à l’herbicide, il faut diversifier les modes d’action, pour « être imprévisible pour l’adventice ». Les mélanges utilisés ne doivent pas être « cosmétiques », mais vrais : de groupe HRAC différents, et tous efficaces contre la plante visée.
Enfin l’application de l’herbicide doit être efficace : « Les parcelles qui ne posent pas de problème en termes de résistance sont les parcelles propres », plaisante Christophe Délye. Il est également bon de rappeler que tous les échecs de désherbage ne sont pas forcément dus à des problèmes de résistance : un traitement n’est efficace que s’il est appliqué sur la bonne adventice, au bon stade, dans les bonnes conditions (température, humidité), avec le bon produit, à la bonne dose…
LD
Méthode pour favoriser l’apparition des résistances
- Ne faire que du chimique, oublier l’agronomie
- N’utiliser qu’un seul herbicide ou un seul mode d’action
- Rester en monoculture (on tape toujours sur la même flore)
- Traiter tardivement
- Traiter après l’apport d’engrais
- Traiter sur de fortes infestations
- Traiter avec une efficacité limite…
Résistance liée ou non à la cible
Les résistances liées à la cible (RLC) sont provoquées par une modification par mutation dans la plante du mécanisme sur lequel agit la matière active. Elles apparaissent subitement, mais sont plus faciles à prévenir en alternant ou en mélangeant les modes d’action.
Les résistances non liées à la cible (RNLC) font intervenir des processus de détoxification. Elles apparaissent plus lentement, mais provoquent des résistances croisées : « Des vulpins traitées à Puma et Celio (groupe A) deviennent résistantes à Targa (groupe A) sans l’avoir jamais subi, mais également aux produits du groupe B ». Une résistance bien plus difficile à gérer.