Couverts végétaux / Dix années d’essais au sein du réseau Arvalis mettent en évidence l’effet des couverts végétaux sur le statut organique et le fonctionnement microbien du sol, en particulier sur le potentiel de minéralisation de l’azote.
Les couverts intermédiaires constituent une source non négligeable de restitution de carbone au sol. Les essais de longue durée de Boigneville (91), Thibie (51) et Kerlavic (29) ont mis en évidence qu’une tonne de matière sèche de couvert a une capacité de fourniture en carbone stable du même ordre de grandeur qu’une tonne de paille de céréales. Sur ces dispositifs, 13 à 17 ans de cultures intermédiaires (avec une fréquence d’un an sur deux à tous les ans) conduisent à des suppléments significatifs de stock de carbone (de 1 à 4 t/ha) et d’azote organique (de 300 à 500 kg/ ha) de la couche labourée par rapport à un sol laissé nu en interculture.
Un impact très lent sur le taux de MO
Dans l’essai de Boigneville, qui a comparé entre 2003 et 2013 différents types de couverts, des analyses de différents paramètres microbiologiques du sol et de la composition de la matière organique (MO) ont été réalisées en 2014 sur six modalités : sol nu, moutarde, avoine, mélange avoine-vesce, vesce, trèfle incarnat. Après 10 ans, la teneur en MO de la modalité sol nu a peu évolué, passant de 2,1 % sur l’horizon 0-25 cm à 1,9 %. En l’absence de répétition de l’analyse initiale, il est difficile de conclure à une baisse significative. De même, aucune différence significative de teneur en MO entre le sol nu et les modalités avec couverts n’a été mise en évidence, ainsi qu’aucun effet « espèces », et ce, malgré des niveaux de biomasse assez variables selon les modalités : production annuelle moyenne de 1,3 à 3,5 t MS /ha selon l’espèce. Il faut donc attendre un délai plus long qu’une décennie pour que le statut organique se différencie selon la présence ou non de couverts végétaux en interculturel. Des simulations ont été réalisées avec le modèle de bilan humique AMG (développé par l’INRA, Agrotransfert Ressources et Territoires, Arvalis et LDAR) sur une période de 60 ans en se basant sur le niveau de production de biomasse moyen des couverts. Elles montrent qu’en l’absence de couvert, la teneur en MO se stabilise au bout de 50 ans à 0,2 % en dessous de la teneur initiale, alors qu’elle se maintient ou augmente jusqu’à 0,15 % au-dessus de la teneur initiale, en lien avec la production de biomasse des couverts sur la même période.
Modification de la composition de l’azote organique
Les analyses de fractionnement granulométrique de la MO du sol ne montrent, quant à elles, aucun effet de la présence de couvert. Contrairement aux apports de produits résiduaires organiques (PRO), la matière organique fraîche apportée par les couverts n’a pas significativement enrichi les fractions plus grossières (50-200 µ et 200-2 000 µ) de la MO qui ont une vitesse de renouvellement plus élevée. Ce résultat confirme ceux enregistrés sur les essais de plus longue durée. En revanche, la teneur des métabolites microbiens azotés, qui représentent la fraction d’azote organique labile liée à l’activité microbienne (15 à 30 % de l’azote total), est significativement plus importante dans les modalités avec couverts que dans le sol nu. Les effets, qui restent toutefois de faible ampleur, sont liés à la biomasse aérienne produite par les couverts sur la durée de l’essai. Cette fraction d’azote labile qui a un taux de renouvellement beaucoup plus rapide que le reste de l’azote organique du sol, fournit l’essentiel de l’azote minéralisé par le sol.
L’activité microbienne du sol est stimulée
De même, la biomasse microbienne se montre très sensible aux historiques de couverture automnale du sol. La part relative du carbone microbien par rapport au carbone organique total du sol varie en effet de 1,5 % du carbone organique pour le sol nu à 2,5 % pour certaines modalités avec couvert (figure 1). Le type d’espèce cultivée a un impact important sur ce paramètre : les légumineuses seules ou en association (avoine-vesce) sont celles qui la stimulent le plus. Les couverts de crucifères (moutarde) et de graminées (avoine) ont un effet intermédiaire entre les légumineuses et le sol nu.
L’activité microbienne, mesurée via le potentiel de minéralisation du carbone et de l’azote en incubation, montre aussi une forte réponse à la présence de couverts (figure 1). Le potentiel de minéralisation d’azote se révèle beaucoup plus influencé que celui du carbone et montre des résultats très comparables à ceux observés sur la biomasse microbienne avec un potentiel plus élevé pour les couverts de légumineuses.
A noter que ces effets sont à mettre sur le compte d’un effet cumulatif des couverts mis en place depuis plusieurs années.
Les résultats de cet essai montrent qu’avant de différencier la teneur du sol en carbone et en azote organique, la mise en place répétée pendant dix ans de différentes espèces de couverts, a un impact sur la composition de la matière organique ainsi que sur la biomasse microbienne et son activité. Les effets des espèces de couverts se révèlent différents selon l’indicateur considéré. La fraction d’azote labile du sol semble impactée par la biomasse produite par les couverts, tandis que la biomasse microbienne et le potentiel de minéralisation d’azote semblent plutôt influencés par le type d’espèce.
Alain Bouthier, Jérome Labreuche et Robert Trochard (Arvalis – Institut du végétal)