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Manifestation / Les éleveurs de Haute-Saône ont interpellé les consommateurs vendredi 10 novembre à la sortie d’une grande surface, pour leur démontrer la « mise en scène » par la grande distribution d’une pénurie de beurre, qui n’est que le reflet d’une guerre des prix et d’une guerre d’influence, où le producteur se trouve encore perdant. 

Les étalages vides au rayon crémerie sont désormais choses acceptées dans les grandes surfaces, tout comme les affichettes explicatives reportant la faute au défaut de production de l’amont de la filière. Comme nous l’évoquions dans nos colonnes, cette présentation de la situation faite par les GMS (grandes et moyennes surfaces) est une représentation partielle de la réalité (notre édition du 26 octobre dernier). Même si la situation dans les magasins s’est améliorée dans les semaines passés, la FDSEA, la FDPL et les JA ont voulu marquer le coup en vendant du beurre local aux consommateurs à la sortie du Cora, à Vesoul le 10 novembre.

La protection du consommateur
Pour les producteurs de lait de Haute-Saône, l’absence de beurre en rayon est révélatrice de tensions entre certaines enseignes de la grande distribution et leurs fournisseurs. « Partout dans le monde, expliquent-ils, la demande de beurre, supérieure à l’offre, tire les prix vers le haut. C’est la loi du marché ! Or, dans un contexte de guerre des prix entre distributeurs, la majorité des centrales françaises refusent de procéder à des hausses tarifaires nécessaires. » Et ce, alors que la demande mondiale en matière grasse laitière explose. Où va donc le beurre français ? Encore une fois, la production cumulée européenne depuis le début de l’année est certes plus faible que l’an passé, mais elle est plus forte qu’en 2015. Le manque de beurre n’est donc pas exceptionnel. « Le beurre français part à l’export, indiquent les producteurs dans un communiqué. Là où d’autres pays sont prêts à y mettre le juste prix ! » Les grandes surfaces de leur côté jouent la carte de la protection du consommateur (nous limitons la hausse des prix), et rappellent également à juste titre que leurs fournisseurs (les industriels) ont beau jeu de demander des hausses à leurs clients, quand ils les refusent aux producteurs. « On peut reprocher aux distributeurs de ne pas avoir accepté les tarifs assez rapidement, assume Michel Edouard Leclerc sur son blog, mais on ne peut leur reprocher d’avoir fait de la marge. Il n’y aura donc aucune difficulté – j’imagine ! – à ce que les éleveurs en touchent un juste retour sur les prochaines payes de lait. »

Mille jours de crise
Rien n’est moins sûr. Si les producteurs ne sont pas dupes et savent que cette bataille (principalement médiatique, en second lieu commerciale) ne les concerne pas directement (les industriels n’ont qu’à « se débrouiller avec leurs clients récalcitrants »), ils savent que leur action aura un effet sur la sortie de crise. C’est donc aux consommateurs qu’ils ont choisi de s’adresser, en vendant des plaquettes de beurre (de Franche-Comté) à la sortie du magasin Cora de Vesoul. « Si les magasins n’ont plus de beurre à vendre, c’est qu’ils ne veulent pas l’acheter à son vrai prix », expliquent les éleveurs. Une cinquantaine d’entre eux étaient venus distribuer des tracts et parler aux consommateurs. L’action était initialement prévue au Leclerc, mais les rayons ont été regarnis en dernière minute vendredi matin… Les éleveurs (et la génisse amenée par le Gaec Besançon) se sont donc rabattus vers le Cora, où une centaine de plaquettes ont été vendues en moins d’une heure. Les clients ont visiblement préféré le beurre local au beurre allemand proposé en rayon. « Dommage que ça se passe juste au moment où on parle de partage de la valeur ajoutée, aux EGA, soupire Michaël Muhlematter. Il faut s’engager à payer le prix aux producteurs! » Cela illustre bien « les limites entre les discours et les faits », ajoute-t-il. Après « 1000 jours de crise », ajoute le président des JA Gérald Pichot, il est temps de retrouver « des prix rémunérateurs pour la filière ». Cela passe par « une hausse du prix du beurre mais aussi une hausse du prix du lait ». « En France, il y a du lait, il y a du beurre », rappelle-t-il encore, et il y a de la demande, pourrait-on ajouter. Pourtant, « on ne retrouve pas cette hausse dans le prix du lait qui nous est payé. » « On ne demande pas des milliards, précise encore le JA, mais une juste répartition de la valeur ajoutée. Notre coût de production est autour de 340€/t, contre un prix actuellement payé autour de 320€. » Espérons que les industriels sauront gré aux producteurs d’avoir contribué à faire plier les centrales d’achat, et que la valeur ajoutée remontera effectivement en amont de la filière.

LD

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