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Manifestations / Avec le barrage de la 4 voies à Vesoul le 29 janvier, les éleveurs haut-saônois ont utilisé le seul moyen dont ils disposent encore, pour sonner l’alarme sur l’état catastrophique de leurs trésoreries et au-delà sur l’avenir même du modèle agricole de proximité en France. 

De nouveau. De nouveau un blocage, comme devant la Dreal en juin 2014, comme devant la DDT en novembre 2014, comme devant les grandes surfaces en juin dernier, comme à la Vaugine ou chez Bazin en juillet dernier. De nouveau beaucoup de manifestants, un peu plus même, près de 250 personnes, 70 tracteurs. De nouveau beaucoup de jeunes, un peu plus, un peu plus désespérés, un peu moins d’horizon. De nouveau des revendications de base : un prix pour vivre de son travail. Mais un horizon un peu plus bouché, des filières suicidaires qui laissent mourir leur base, une valeur ajoutée mal répartie.
De nouveau l’appel à la prise de conscience, du citoyen et du consommateur, mais aussi du politique. Et de nouveau les mêmes réponses attendues, un cataplasme sur une jambe de bois, et des responsables politiques un peu plus fatigués de chercher les réponses dans l’urgence, alors que c’est seulement une organisation commune en Europe qui peut sauver le modèle agricole familial.

Un sentiment de déjà-vu
C’est donc un sentiment de déjà-vu qui régnait sur la 4-voies à Vesoul le 29 janvier dernier, tandis que les manifestants bloquaient le passage aux usagers de la route, en répandant leur colère et des tonnes de fumier. Déjà vu un prix du lait si bas ? Oui, mais pas avec des charges si élevées. Déjà vu une chute des prix de la viande et du lait si importante ? Oui mais pas aussi brutale. Déjà vu autant d’exploitations agricoles en difficulté ? Non, sans doute pas à ce niveau. La situation est catastrophique, et un certain nombre de paysans du département le savent, en limite de laisser la clef sous la porte.
Pourtant, la vraie révolution n’était pas sur les routes ce vendredi. Elle est lente et pernicieuse : c’est la révolution d’un modèle agricole que tous regrettent mais que personne ne veut soutenir.

Sauver le modèle agricole familial
Le consommateur ? Il veut un paysan à côté de chez lui, chez qui il puisse acheter ses œufs (mais pas trop cher) et qui soit sa caution morale (j’aime la Nature, la preuve j’ai un ami agriculteur). Mais il ne veut pas de tracteur au petit-jour devant chez lui, pas de boue sur la route, pas d’odeurs de fumier. Et surtout du pouvoir d’achat, du prix, des promotions. De la barbaque au kilo, des légumes pour rien, des yaourts à pas cher.
Le citoyen ? Il veut la souveraineté alimentaire, il veut des campagnes accueillantes et des paysages ouverts, il veut des vaches qui broutent et des épis qui dansent. Mais pas de pesticides, pas d’engrais de synthèse, pas de pulvérisateur, pas de gaz à effet de serre. Et surtout du terrain pour construire sa maison, avec une route d’accès et un jardin. Et des trains, des autoroutes, des parkings, des centres commerciaux.
L’industriel ? Il veut satisfaire le client, qui exige la sécurité alimentaire, la traçabilité, la certification d’origine. Mais il veut surtout du « minerai », de la matière première à faible prix, car plus encore que ses clients il veut contenter ses actionnaires.
Le distributeur ? Il veut du chiffre. Il veut grossir, il s’allie, se marie, se concentre, invente des centrales d’achat et des marges arrières, fait plier les gros et fait survivre les petits. Mais il veut afficher du local, qu’il place en devanture comme on ripoline une planche vermoulue. Le politique ? Il veut être réélu. Et pour cela il faut donner du pain à pas cher et beaucoup de jeux. Le pain à pas cher, il compte sur l’agriculteur pour le lui fournir. Il n’y arrive pas ? Qu’importe, l’électeur aura ses jeux, il le faut. Alors il laisse faire la guerre des prix, et s’il ne reste rien pour le paysan, tant pis ! Le contribuable ira renflouer ce que le politique n’a pas osé faire payer au consommateur.

Et Bruxelles ?
Voilà où nous en sommes : pas de prix, pas de paysans. L’alimentation a une place particulière dans notre monde où tout se marchande, c’est ce que les manifestants essayent de faire comprendre en perturbant parfois maladroitement les automobilistes ou en maculant les grandes surfaces pour réveiller les consciences.
« L’Europe se désolidarise de ses agriculteurs, constate Sylvain Crucerey, président de la FDSEA, elle ne les soutient plus. Nos actions sont nécessaires si nous voulons aboutir à un accord. » C’est donc bien de Bruxelles que peut venir une solution, si seulement la volonté politique ne faisait pas défaut. « Il faut savoir ce que l’on veut, conclut l’agriculteur. Si on ne fait rien ce sera le poulet à l’eau de Javel et le bœuf aux hormones. Il manque une volonté d’unir l’Europe pour sauver ses agriculteurs. Tant que ce ne sera pas fait nous continuerons le combat ! »

LD

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