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Élevage / La recherche scientifique dans le domaine de la nutrition des ruminants s’intéresse de près aux plantes fourragères riches en tanins : ces substances végétales ont des effets positifs sur les performances zootechniques, et sur la régulation du parasitisme.

Les tannins ou tanins – les deux orthographes sont admises – sont des substances que l’on retrouve dans divers végétaux comme le pin, la vigne, l’aubépine, et dans les légumineuses comme le sainfoin ou les lotiers. Etymologiquement, le terme est très probablement issu d’une racine gauloise, tanno signifiant le « chêne », un arbre dont l’écore est riche en tannins, et fût longtemps utilisée dans le traitement du cuir… la tannerie ! Ces tanins se situent aussi bien dans l’écorce, que la racine, les feuilles de la plante. Ce sont des métabolites secondaires impliqués dans un rôle de défense face à des agresseurs comme des bactéries, champignons, parasites… Les tannins sont répartis en deux grands groupes. Hydrolysables – c’est-à-dire solubles dans l’intestin – ils sont potentiellement responsables d’intoxications sévères lors d’ingestion en quantités massives. Les tannins condensés, moins toxiques que les précédents, sont présents dans les légumineuses comme le sainfoin.

Des effets zootechniques positifs

Des effets positifs des tannins condensés ont été constatés chez les ruminants sur la croissance, le gain de poids, la quantité de lait ou de laine, ainsi que sur les performances reproductives.
Dans le rumen et le tube digestif, les tannins condensés (TC) forment des complexes avec diverses macromolécules en particulier les protéines. Cette capacité des TC à se lier aux protéines leur assure une protection vis-à-vis des dégradations ruminales et provoque une augmentation de leur flux dans l’intestin et par conséquent, une absorption accrue d’acides aminés. Ce phénomène est évoqué pour expliquer les effets bénéfiques de l’ingestion de légumineuses contenant des tannins condensés sur les paramètres zootechniques. Ils possèdent également des propriétés thérapeutiques et pourraient constituer une méthode alternative ou complémentaire à l’utilisation d’anthelminthiques de synthèse pour la maîtrise des nématodes gastro-intestinaux (notamment chez les petits ruminants, les essais chez les bovins étant rares). En effet, la consommation de tannins a été reliée soit à une baisse de la charge parasitaire, soit à une diminution de la fertilité des vers femelles. L’utilisation des légumineuses contenant des tannins condensés est donc une piste très intéressante que la recherche commence à explorer. Dans le contexte de la réforme de la politique agricole commune et objectif affiché d’encourager un mode d’élevage économiquement viable, efficient et durable, l’intérêt s’est porté sur plusieurs légumineuses fourragères tempérées telles le sainfoin (Onobrychis viciifoliae), les lotiers pédonculé et corniculé (Lotus pedunculatus et L corniculatus) et le sulla (Hedysarum coronarium), en raison de propriétés (leur teneur en tannins) leur conférant une plus-value en terme de nutrition et de maîtrise de certains risques sanitaires chez les ruminants. La combinaison de ces deux effets fait que ces ressources sont parfois qualifiées d’alicament.

Des GMQ supérieurs pour les agneaux et les JB

Les effets positifs sur les paramètres zootechniques ont été constatés sur la croissance et le gain de poids, la quantité et la qualité du lait ou de la laine ainsi que les performances reproductives. Par exemple, des gains de poids allant de 8 % à 24 % ont été observés chez des agneaux recevant du sainfoin ou du lotier corniculé par rapport à des animaux témoins ayant consommé des plantes sans tannins comme la luzerne ou un mélange de ray gras et de trèfle. Des résultats similaires ont été obtenus sur la croissance de jeunes bovins. Une augmentation de production laitière chez des brebis a été observée après l’incorporation de foin ou d’ensilage de sulla dans les rations. Des augmentations des taux protéique et de lactose allant jusqu’à 14 % ont aussi été notées chez des vaches et des brebis ingérant des fourrages riches en TC.

Une alternative aux antiparasitaires chimiques

Par ailleurs, des résultats répétés suggèrent que la consommation de ces plantes pourrait représenter une méthode alternative ou complémentaire à l’utilisation d’anthelminthiques (AH) chimiques de synthèse pour la maîtrise des nématodes gastro-intestinaux chez les petits ruminants. Un véritable atout à l’heure où apparaissent des résistances aux benzimidazoles. Les essais chez les bovins restent rares. La consommation de diverses légumineuses contenant des tannins condensés a souvent été associée à une réduction d’excrétion fécale des œufs de nématodes parasites. Celle-ci a été reliée soit à une baisse de la charge parasitaire (nombre de vers), soit à une diminution de fertilité des vers femelles. Cette diminution d’œufs rejetés contribuerait à réduire la contamination des pâtures et à ralentir ainsi la dynamique des infestations. De plus, des études moins nombreuses ont aussi montré que l’ingestion de ressources riches en TC pouvait perturber l’installation des larves infestantes chez le mouton ou la chèvre. Enfin, une amélioration de la résilience de l’hôte (sa capacité à maintenir la production malgré la présence des vers) mesurée au travers du statut clinique de l’animal ou par la mesure de paramètres zootechniques a souvent été signalée lors de consommation de légumineuses riches en TC. Enfin, la consommation de ces fourrages s’avérerait également favorable pour l’environnement en réduisant les émissions ruminales de méthane (gaz à effet de serre), ce qui explique aussi les effets de prévention vis à vis la météorisation, et en favorisant l’excrétion d’azote sous forme fécale plutôt qu’urinaire, d’où une moindre production de nitrites à l’origine de contamination d’eaux souterraines.

Alexandre Coronel, d’après l’Inra

 

3 réflexions sur “Focus sur les plantes riches en tanins”

  1. Bonjour,
    Auriez-vous une idée de comment extraire le tanin des plantes ? Je cherche à le mettre en évidence et à l’extraire des végétaux (des feuilles par exemple ) mais je ne sais pas comment m’y prendre.

  2. Alexandre Coronel

    C’est du domaine de la chimie organique… qui sort un peu de nos compétences de journalistes agricoles ! Pour faire simple, l’extraction des tanins est généralement réalisée par un mélange d’eau et d’acétone. On élimine ensuite l’acétone par distillation puis les pigments et les lipides par un solvant (comme le dichlorométhane). On extrait de cette solution aqueuse par l’acétate d’éthyle les proanthocyanidols dimères et la plupart des tanins galliques.
    Bonne extraction !

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